mardi 24 décembre 2024

« Les poches pleines les poches vides » vue dans Bifrost n° 116


AU TITRE DES SURPRISES DE L'ANNÉE, REVENONS SUR L'EXCELLENTE CHRONIQUE ÉCRITE PAR JEAN-PIERRE LION DANS LE BIFROST N° 116


Voici le premier livre de François Manson, déjà auteur d’une vingtaine de nouvelles disséminées ici ou là dans des supports plus ou moins confidentiels : une novella, ce format imposé depuis peu par Le Bélial' et sa collection « Une heure-lumière ». Au Mexique, dans le proche avenir, les plus pauvres servent de réservoir pour l’industrie pharmaceutique — une sorte de prostitution médicale. Ainsi, Inès Gonzalez « élève » des cancers qu’on lui implante à des fins aussi mystérieuses que profitables aux ultra-riches. Alors qu’elle n’a pas encore quarante ans, elle est au bout du rouleau. D’ailleurs, le Dr Izamari, qui l’exploite, lui signifie que ce contrat qui prévoit que tout le matériel génétique produit restera la propriété de la société signataire, sera le tout dernier. Mais un tout dernier fort bien rémunéré. Aussi met-elle à gauche ce qu’elle peut afin d’éviter que Lucho, son mari qui la bat comme plâtre, n’aille tout boire. Après un rapt et une opération de boucherie à vif menée par un laboratoire concurrent, Inès est sauvée de justesse par son exploiteur, exclusivement soucieux de préserver son investissement.

Or suite au traitement dont elle a été la victime, des résidus de la tumeur qu’elle « élevait » sont restés en elle… Apprenant par l’infirmière qui la soigne qu’elle va être tuée et vivisectée, Inès doit fuir. Elle ne tardera pas à se découvrir transhumaine…

Un transhumanisme qui est la toile de fond du récit de François Manson, qui rejoint des textes tels que 2054 de Elliot Ackerman et l’amiral James Stavridis, Upgrade de Blake Crouch ou La Musique du sang de feu Greg Bear. Manson est bien plus court, et surtout beaucoup moins technique que ses confrères américains ; plus facile d’accès. La civilisation est un corpus de savoirs et de savoir-faire dont le dessein est d’optimiser le potentiel de survie de l’espèce humaine. En ce début de troisième millénaire, l’amélioration du potentiel humain est en voie d’intériorisation par des moyens biogénétiques, comme ici, ou numériques par cyborgisation. Des recherches qui nécessitent des investissements colossaux. Ceux qui les font, tel Elon Musk, entendent bien en voir le retour.

Il faut autant que possible minimiser les couts, ce qui, comme dans ce texte, peut conduire à des expédients pour le moins dégueulasses. Le progrès profite à tout le monde, mais à certains plus qu’à d’autres, et surtout plus vite. Le présent récit met en scène cet espoir que, si les ultra-riches investissent avant tout pour eux-mêmes, la complexité d’un monde chaotique finira par faire fuiter le progrès au profit de tous. Bien sûr, il y a un prix à payer…

François Manson donne un premier livre qui, outre qu’il offre matière à réflexion sur les vraies questions qu’il convient de se poser aujourd’hui, est d’une lecture aisée et agréable, où l’action est menée tambour battant et où de vastes ellipses shuntent tout le dispensable. À découvrir.

Jean-Pierre Lion

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire